Rencontre avec un maître sushi au cœur de la formation française
Dans le paysage gastronomique français, la montée en puissance de la cuisine japonaise ne passe plus inaperçue. Et si les sushis font désormais partie du quotidien de nombreux restaurants ou foyers en Europe, leur maîtrise authentique reste entre les mains de quelques experts. J’ai eu la chance de m’entretenir avec Hiroshi Yamamoto, maître sushi installé à Lyon depuis 12 ans, formateur passionné et figure centrale d’une transmission fidèle des techniques japonaises en France.
Un parcours marqué par la rigueur japonaise
Originaire de Fukuoka, Hiroshi Yamamoto a suivi une formation traditionnelle dans l’une des écoles culinaires les plus réputées du Japon : la Tokyo Sushi Institute. Après huit années passées à perfectionner son art dans des établissements kaiseki au Japon et à New York, il choisit de s’installer en France, séduit par la richesse gastronomique et par le respect qu’on y porte aux métiers de bouche. « Ce que j’ai remarqué tout de suite, c’est l’intérêt sincère des Français pour la culture japonaise. Pas seulement par effet de mode, mais par curiosité et respect », me confie-t-il.
Formateur depuis 2013, il travaille aujourd’hui avec plusieurs centres spécialisés en cuisine asiatique, tout en développant son propre programme de formation à Lyon. Il forme aussi bien des chefs en reconversion que des passionnés cherchant à approfondir leur pratique domestique.
Transmettre le sushi : un acte culturel autant que culinaire
S’il y a un aspect sur lequel Hiroshi insiste, c’est la dimension culturelle de la formation. « Le sushi, ce n’est pas juste assembler du riz et du poisson cru. C’est une histoire de gestes, de respect du produit, de saisonnalité. C’est aussi un état d’esprit. »
Durant notre échange, il me raconte l’anecdote d’un élève qui, suite à une erreur dans la coupe du saumon, s’est vu demander de recommencer… non pas le filet, mais le rinçage de son couteau et la réorganisation de son poste de travail. Car la discipline précède tout dans l’apprentissage. « Ne pas négliger les gestes invisibles, c’est ça la base. »
Quels profils pour suivre une telle formation ?
Contrairement à certaines idées reçues, devenir un apprenti sushi en France ne requiert pas d’être déjà cuisinier professionnel. Hiroshi accueille chaque année une quarantaine de stagiaires aux profils multiples :
- Chefs européens en quête d’authenticité pour parfaire leur carte nippone
- Étudiants d’écoles hôtelières souhaitant se spécialiser à l’international
- Porteurs de projets de street food ou de catering haut de gamme
- Amateurs éclairés épris de culture culinaire
La formation s’adapte selon les objectifs : initiation en cinq jours, perfectionnement en deux semaines, ou mentorat personnalisé sur plusieurs mois.
Structure de l’enseignement : rigueur japonaise, pédagogie française
Interrogé sur la manière dont il structure ses modules de formation, Hiroshi me détaille un processus clair et progressif. « Chaque jour commence par une revue des bases. En France, on a tendance à vouloir aller vite. Mon rôle, c’est de ralentir ce tempo pour que l’apprentissage s’inscrive dans la durée. »
Le programme type suit une progression rigoureuse :
- Jours 1–2 : apprentissage du polissage du riz, cuisson au hangiri, et entretien du matériel
- Jours 3–4 : filetage des poissons (saumon, daurade, maquereau) avec mise en place du kata (positionnement du corps et du couteau)
- Jour 5 : réalisation de nigiri, maki, temaki, et session de feedbacks précis vidéo à l’appui
Chaque séquence est ponctuée de rappels historiques sur l’origine des coupes, la fonction rituelle du shari (riz vinaigré), le symbolisme des formes ou couleurs. Un apprentissage alliant rigueur technique et ancrage culturel.
Intégration au marché européen : entre exigence et adaptation
En tant qu’ancien chef moi-même, j’ai été particulièrement intéressé par les réflexions d’Hiroshi sur la formation professionnelle en Europe. Une question que je ne pouvais pas ne pas lui poser : comment adapter cette rigueur ancestrale au contexte culinaire local ?
Sa réponse est double. D’une part, il insiste sur la nécessité d’adapter les sources d’approvisionnement. « En France, on ne trouve pas toujours le même thon qu’à Tsukiji. Mais on peut utiliser un bar de ligne ou une truite bio des Alpes, à condition de respecter les critères de fraîcheur et de texture. »
D’autre part, il souligne une évolution intéressante dans les attentes du public européen. Les clients veulent comprendre d’où vient le poisson, comment il a été transformé, et pourquoi il est présenté de cette façon. Cette demande d’information alimente une nouvelle forme de formation : celle du sushi « pédagogique », qui inclut souvent une démarche presque documentaire dans la présentation des plats.
Un regard inspirant pour les futurs formateurs
À la fin de notre entretien, je lui demande s’il voit un avenir dans le développement de formations en ligne sur le sushi. Sa réponse, pondérée, reflète encore une fois sa rigueur : « La vidéo est utile pour montrer les gestes, mais rien ne remplace la pratique supervisée. Surtout quand on parle de coupe. »
Il ajoute toutefois qu’il travaille actuellement sur une plateforme de tutoriels vidéos, destinée à ses anciens stagiaires, pour leur permettre de réviser certains modules après formation. Une manière concrète de prolonger l’expérience sans sacrifier la qualité du geste.
À retenir pour les passionnés et les professionnels
Cet entretien m’a rappelé à quel point la transmission du sushi est une affaire sérieuse, mais aussi profondément humaine. Elle repose sur l’exigence, la patience, et l’humilité — autant de valeurs que l’on retrouve aussi bien dans les gestes que dans les propos d’Hiroshi Yamamoto.
Pour celles et ceux qui envisagent de se former, voici quelques conseils inspirés de ses propos :
- Choisissez un formateur avec une formation classique et une expérience internationale. Le mélange des deux est une garantie de solidité.
- Ne brûlez pas les étapes : chaque technique a une raison d’être, même la plus simple.
- Approfondissez votre connaissance du Japon au-delà de la cuisine : lire, voyager, échanger… Tout enrichit votre compréhension globale du sushi.
- Privilégiez les formations où l’accompagnement post-cours est prévu. Le sushi ne s’apprend pas en cinq jours, il s’entretient, comme un jardin zen.
En repartant de cette interview, je repensais à une phrase de Jirō Ono, le légendaire maître sushi de Tokyo : « Une fois qu’on pense savoir, on cesse d’apprendre. » Avec des formateurs comme Hiroshi, l’apprentissage reste un chemin — exigeant, mais passionnant. Et pour la gastronomie européenne, ce chemin ne fait que commencer.
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